Discret, humble et réservé, José De Sousa Goncalves est le fondateur du Groupe NAES, expert du second œuvre et de la maîtrise des fluides. En harmonie avec ce qu’il est aussi, « brut de décoffrage », autant que sensible, José fait de la réhabilitation lourde avec finesse, comme l’impose cette branche si particulière et méconnue du bâtiment. Premier de la classe jusqu’à 15 ans – mais d’un tempérament bagarreur à l’époque – il est exclu de l’école à 15 ans et demi. Papa assumé à 17 ans, José s’est forgé à la dure avec la vie qu’il a mené : rude et stricte. Il en a fait plus tard ses valeurs humaines et les fondements de sa vie professionnelle, qu’il a bien sûr inculqué à ses deux fils.
Voici le portrait émouvant d’un entrepreneur Français mais lusophone pas comme les autres. Á l’instar de son bureau d’ancien PDG, aussi minimaliste et modeste que pourrait l’être celui d’un stagiaire, il dévoile en revanche, et à la perfection, l’homme qu’il est profondément !
« Vous voyez mon bureau, vous voyez l’homme ! »
Adulte à 15 ans et demi… par la force des choses !
José est né à Madère de deux parents portugais avec un papa plâtrier-peintre. Il est issu d’une famille nombreuse et très modeste, dans laquelle on ne mangeait bien souvent, qu’une seule fois par jour. Le cadre de vie, assez hostile dans le 19e arrondissement de Paris à cette époque, était loin d’être simple et sécurisant pour un enfant. Il fallait donc impérativement apprendre à se défendre pour se faire respecter », comme le souligne José. Suite à une altercation dans la cour de récréation, le papa a été convoqué par le directeur de l’établissement. Poing encore levé, mais tête baissée et regard bas, José s’est retrouvé propulsé dans le secteur du bâtiment trois jours après « à 15 ans et demi » !.
Un nouveau combat à mener lui est alors apparu sur le ring de son adolescence, brutalement interrompue : celui de la vie d’adulte ! Deux ans après, comme si cela n’était pas suffisant pour un jeune de 17 ans, il devient papa. Le travail sur les chantiers, son éducation et le sport surtout, l’ont recadré et lui ont offert les bases de sa vie.
« Je n’ai pas de collaborateurs, mais des compagnons ! »
José n’avait que deux ans lorsqu’il est arrivé en France. Cela fait donc précisément 58 ans qu’il est français. De 15 ans et demi à 40 ans, José est resté fidèlement dans la même entreprise. Il a gravi inlassablement les échelons, passant d’ado-papa-plâtrier-peintre, ascendant boxeur, à directeur général. Lorsque son patron a vendu son affaire à un groupe, José a décidé de lancer sa propre société en rachetant une petite entreprise portugaise à Povoa do Varzim : TBS. Encore aujourd’hui, il s’y rend une fois par mois pour le travail, tout en assurant la transmission de son entreprise, car José a désormais 60 ans et José aime anticiper les choses !
« Cela n’a pas été simple de passer du statut d’employé à patron, même avec le poste de direction que j’occupais », m’avoue-t-il, d’autant plus quand on est trop gentil et que l’on fait spontanément confiance aux gens, ajoute-t-il. Mais il se trouve que ces valeurs et cet état d’esprit, que certains pourront interpréter comme naïfs, ont étonnamment contribué à attirer vers lui des gens corrects. Ceci dit, quand on se comporte respectueusement avec ses collaborateurs (pardon, ses « compagnons », même s’ils ne le sont pas tous), ses fournisseurs, ses partenaires et ses clients, tôt ou tard, on en récolte les fruits. Pour recevoir, il faut donner, comme le dit le dicton.
« Je ne serais jamais milliardaire avec cette mentalité, à être constamment tourné vers l’autre, mais je suis ainsi et heureux de l’être ! », me confie-t-il.
José n’est pas peu fier d’être entouré d’une équipe d’une quarantaine de personnes, toutes aussi compétentes les unes que les autres dans leur domaine. Ce n’est pas rien de restructurer un vieux bâtiment dans son intégralité, afin de lui donner une seconde chance et une seconde vie, tout cela grâce au second œuvre . Quand Émilie entrouvre discrètement la porte lors de l’interview, pour me proposer un café, José en profite pour faire l’éloge de cette secrétaire dévouée et terriblement efficace dans son travail.
« Au Portugal, on paie plus d’impôts qu’en France et ils sont bien plus coercitifs que chez nous. Ça ne rigole pas du tout ! », me rétorque immédiatement José, quand je lui dis que c’est peut-être plus avantageux d’avoir son siège au Portugal qu’en France. Néanmoins, ses bénéfices – car son entreprise est rentable – il ne les dilapide pas dans du paraître (preuve en est la simplicité de son « centre de commandement » à Tremblay), mais bien plus dans l’humain, à commencer par ses compagnons, dont il prend grand soin, ou encore le mécénat. Pas de Blingbling avec José, ni des murs en marbre, alors qu’il pourrait s’offrir une cage dorée en guise d’environnement professionnel, mais plutôt de l’utile et tout ce qui peut contribuer à valoriser le bien-être de son équipe !
À ce propos, nous avons échangé sur le rôle que devraient avoir les entreprises copieusement bénéficiaires sur l’ensemble de la société, car l’état ne peut pas tout prendre en charge à lui tout seul, me précise-t-il. « Charité bien ordonnée, commence par soi-même ! », d’où sa vocation de mécène pour la génération à venir ou encore pour une association, essentiellement composé de mamies. Ce lieu associatif est en effet important pour le moral de ses membres, toutes à la retraite depuis longtemps, mais toujours en quête de connexions sociales. Second œuvre, seconde chance… Peut-être pouvons-nous y voire une certaine corrélation entre sa jeunesse chaotique – déroulée sans aucun coup de pouce du destin – et ses initiatives en faveur des jeunes d’aujourd’hui. Une casquette moins connue de José et qu’il porte surtout du côté de la Normandie, un territoire devenu en quatre ans seulement, son p’tit coin de paradis.
José vit ainsi une partie de sa vie à « Tremblay » – pardonnez-moi ce jeu de mots qui révèle en même temps le stress de tout entrepreneur – mais surtout à vibrer, car les challenges que son équipe et lui relèvent tous les jours, lui apportent énormément de fierté et animent sa vie, qu’il ne saurait d’ailleurs remplir autrement que par le travail et en titillant sa nature de compétiteur-combattant, qui le définit encore bien. Quand il n’est pas en région parisienne, avec ses services achats et comptabilité et ses bureaux d’études – José est au Portugal ou en Normandie.
Entrepreneur, grand lecteur et ancien grand sportif, il dévore les Échos, l’Équipe, la biographie de grandes personnalités, les ouvrages qui parlent de finances ou encore « L’art de la guerre », de Sun Tzu, son livre de chevet. Sa bibliothèque personnelle compte près de 800 ouvrages, avec quelques rares romans dispersés ici ou là. José a bâti sa vie à travers les valeurs du sport, d’une éducation stricte, de la littérature et plus généralement du respect des autres. C’est ainsi qu’il a développé sa « petite boite », répète-t-il modestement, alors qu’elle génère tout de même 24M d€ de Commandes. Son client principal est à 95% l’état français et ses collectivités : crèches, écoles, musées, infrastructures sportives, etc. Ça, c’est ce qu’il en était hier, car comme je vous l’ai déjà dit, José anticipe l’avenir. Il oriente, depuis peu, une partie de ses activités vers la « réhabilitation de luxe » pour particuliers. Une prestation légitime au regard du savoir-faire extrêmement pointu de ses compagnons et de leur technicité acquise au fil du temps. Il faut bien cela, de toute façon, pour faire le poids face à des géants du bâtiment, qui pèsent plus de 100M d’€ de CA la plupart du temps.
Dans les coulisses de NAES
Reconvertir des bâtiments qui datent de plusieurs décennies, voire centenaires, en leur attribuant une nouvelle fonctionnalité, voilà le défi quotidien de José et de son équipe d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers spécialisés. Avec un total de 21.700 normes ISO en France dans le BTP et 100 nouvelles qui sortent chaque mois, la rigueur juridique et la précision technique ne sont pas des options dans l’univers impitoyable du bâtiment. Si l’on devait résumer son métier en trois grandes phases, ce serait : curer un bâtiment, préserver les façades extérieures, puis rhabiller entièrement tout le reste. Dit comme cela, ça semble facile, mais c’est une tout autre histoire sur le papier et sur le terrain, car la législation est en constante évolution, notamment en termes environnementaux, un point fort du groupe.
Son équipe est recrutée sur des valeurs humaines et selon des critères professionnels assez haut de gamme. Néanmoins, recruter n’est pas chose aisée de nos jours, pour lui, comme pour l’ensemble des chefs d’entreprises en France. Pourtant, il fait bon travailler à ses côtés et pour preuve, bon nombre de ses compagnons ont débuté l’aventure avec lui et sont toujours là aujourd’hui. L’esprit NAES, c’est un peu l’esprit rugby, où chacun se bat pour les autres. Voilà certainement un des secrets les plus précieux d’un service RH en bonne santé !
« J’ai développé le groupe à travers le second œuvre et le fluide, deux aspects étant étroitement liés. En effet, la climatisation, le chauffage et la ventilation, ce sont, des tuyaux à masquer dans de faux plafonds. La synthèse d’ingenierie entre les fluides et le second œuvre est la clef du succès sur le terrain »
C’est alors que la coordination des métiers devient déterminante pour la réussite d’un chantier et dans la tête d’un client. C’est ainsi que NAES réhabilite, par exemple, des bureaux en habitations ou vice-versa et peut également se charger de l’ameublement, qui est réalisé sur-mesure et en interne, autre singularité du groupe. En anecdote aussi, mais c’est à souligner, NAES a été sollicité pour refaire la façade du Musée du Quai Branly, initialement réalisée par Jean Nouvel, il y a 30 ans. Il s’agit de l’entrée des artistes, 222, rue de l’Université, facilement identifiable avec ses beaux moulages qu’il a fallu rénover à l’identique.
José fait de la réhabilitation lourde. Avec NAES, il peut réinventer la nature d’un bâtiment, son esthétique et ses fonctionnalités initiales, tout en conservant l’ossature de l’édifice. Réhabiliter un bâtiment, c’est aussi découvrir ce qui s’y cache et devoir s’adapter à l’imprévu et aux surprises, souvent mauvaises. Pour cela, les ingénieurs des bureaux d’études – dont une équipe spécifiquement dédié à la ventilation et à la climatisation – bouillonnent d’imagination avant de modéliser leurs projets sur Autocad ou Revit. Ce sont des logiciels de modélisation de données du bâtiment, ce que l’on appelle vulgairement dans la profession, le BIM (Building Information Model). Fortement imprégné par la valeur du travail, José est un matinal confirmé. Ses horaires personnels de bureau débutent tous les jours à 6h du matin. José est aux antipodes du rythme portugais qui, avouons-le, pourrait trouver une rime idéale avec fêtard, lève-tard et en retard, mais cela n’engage que moi 🙂
Remarié depuis 15 ans a Odette elle m’a beaucoup apporté dit il la rigueur et la stabilité, c’est la personne la plus importante de ma vie qui a les mêmes valeurs intrinsèques que moi « on c’est bien trouvé répète t’il »
L’avenir de NAES se profilerait peut-être bien dans une filière luxe, car il faut savoir se projeter et se remettre en question parfois, sans oublier de suivre de près l’évolution thermique environnementale concernant les fluides, fer de lance du groupe. Concernant l’homme, une page est en train de se tourner doucement, mais sûrement. Cela mériterait bien une biographie un jour, celle qui raconte l’histoire d’un jeune portugais âgé de 15 ans et demi, boxeur, plâtrier, peintre, papa, rugbyman, devenu un grand chef d’entreprise en France et un mécène pour la jeunesse, depuis qu’il a débarqué, lui aussi, en Normandie…